Témoignage de Monsieur le Professeur Didier Sicard sur le baromètre Handifaction que nous lui avons présenté en milieu de semaine. Nous remercions particulièrement Monsieur Sicard de son analyse très importante.
Ce baromètre est porteur d’une double information essentielle. Trois quarts des personnes vivant avec un handicap n’ont pas de médecin de référence, alors que leur sollicitation d’un médecin généraliste a quasiment quadruplé en cette période d’épidémie. Cette demande peut aller de 347 % au cabinet à près de 900 % pour des soins médicaux à domicile. Les maisons de proximité sont un exemple de demande de soin urgent somatique et psychique (+ 230 %).
L’autisme a justifié une augmentation considérable d’activité auprès de généralistes de 648 %. En revanche, alors qu’on pouvait s’y attendre au contraire, la télémédecine est restée un moyen relationnel modeste aux alentours de 10 à 20 %.
Qu’en conclure ?
- L’absence de médecin référent (75 %) est un facteur majeur de recours aux urgences et au 115, alors que la présence d’un médecin référent diminue considérablement ce recours.
- Cette absence de médecin référent ressort- elle de la responsabilité des personnes vivant avec un handicap ou du refus des praticiens ?
- Si ce refus venait des praticiens, particulièrement débordés en période d’épidémie, il ne faudrait pas nécessairement les stigmatiser mais comprendre leur difficulté de prise en charge et donc prévoir des modalités particulières de financement.
- Cette absence de référent est une question majeure de santé publique qui doit être traitée en tant que telle avec une obligation pour chaque personne vivant avec handicap de pouvoir accéder à cette référence. Leur situation en effet est particulièrement préoccupante en période d’épidémie, mais il faut comprendre que l’engagement des médecins généralistes peu respectés par les pouvoirs publics, mérite d’être l’objet d’une attention très particulière.
Cette épidémie de Coronavirus nous donne l’occasion de produire un effet grossissant sur des questions d’inégalité aux soins pour les personnes vivant avec un handicap.
Préambule
L’analyse présentée dans cette note s’appuie sur 1 387 questionnaires et porte sur les soins réalisés par les généralistes en cabinet, à domicile, en maison de santé de proximité, en établissement médico-social tout en intégrant les consultations réalisées par le dispositif de la télémédecine.
La demande de soin, de réconfort et d’aide psychologique venant des personnes vivant avec un handicap dans leur lieu de vie a plus que doublé depuis le début du confinement.
Selon le baromètre Handifaction, les lieux de soin de proximité sont principalement le cabinet des médecins généraliste en ville, les soins à domicile, les établissements médico-sociaux, la télémédecine et les maisons de santé de proximité.
L’activité principale est portée dans ces lieux par les médecins généralistes déjà très chargés avant l’arrivée du coronavirus. Leur activité depuis le confinement a sensiblement baissé pour les actes courants de soin, pour l’ensemble de leur clientèle. Nous mesurons sur le baromètre Handifaction une nette progression de leur activité pour les personnes vivant avec un handicap de plus de 50 %.
Alors que l’activité des spécialistes en ville : gynécologie, soins des dents, soins des yeux, psychiatrie a considérablement baissée durant le confinement. La majorité des spécialistes ont apporté leur concours aux malades atteints par le coronavirus soit dans les services hospitaliers soit auprès des urgences.
La réduction de demande de soin des personnes non handicapées (hors coronavirus) auprès de leur généraliste à favoriser leur disponibilité, pour répondre à la demande des personnes vivant avec un handicap.
Nous avons retenu dans notre analyse la seule activité des généralistes dans tous leurs lieux de soins et avons mesuré les variations par lieu de soin, par type de soin, par type de handicap et par lieu de vie.
Évolution de l’activité par lieux de soin
Cabinet | Domicile | Télémédecine | Maison de proximité | ESMS | |
Généraliste | - 48 % | + 103 % | × 15 | - 29 % | + 37 % |
Pour permettre une continuité des soins, la mise en place de la télémédecine et appels téléphoniques a été multiplié par 15 à destination des personnes vivant avec un handicap.On peut constater que les médecins généralistes se sont déplacés deux fois plus vers leur patientèle vivant avec un handicap. L’activité en cabinet a considérablement baissé par l’impossibilité des personnes de se rendre au cabinet et par la crainte d’attraper le Covid-19.Analyse du tableau :
On note aussi, que l’activité des généralistes au service des établissements médico-sociaux a énormément progressé, + 37%.
Évolution de l’activité des généralistes par types de soin et leur lieu de soin
Soins urgents | Maladie connue | Soins habituels | Soins pour une nouvelle maladie | Soins liés à l’handicap | Soins Psychologiques et psychiatriques | Soins pour une autre partie du corps | |
Cabinet | + 304 % | - 43 % | - 84 % | + 148 % | + 63 % | + 337 % | + 44 % |
A domicile/soins médicaux | + 14 % | - 50 % | - 58 % | + 61 % | - 12,3 % | + 1 138 % | + 53 % |
Maison de proximité | + 400 % | - 65 % | - 41 % | + 156 % | + 71 % | + 273 % | + 86 % |
Médico-social | + 130 % | - 61 % | - 72 % | + 175 % | - 54 % | + 426 % | + 44 % |
Télémédecine | × 15 | × 2 | + 50 % | × 15 | + 50 % | × 17 | + 20 % |
La situation engendrée par le coronavirus et ses conséquences à travers le confinement a déclenché une grande et légitime inquiétude, profondément humaine, des personnes vivant avec un handicap et de leur entourage. On remarquera que la demande de soins urgents a considérablement évolué en même temps que la suspicion d’une nouvelle maladie.
La réponse aux besoins de soin des personnes vivant avec un handicap dans leur proximité a été assurée par les médecins généralistes dans leurs lieux de soin à + de 80 %.
Qualité des soins
Nous constatons une meilleure prise en charge de la douleur chez les généralistes.
La prise en charge de la douleur est passée de 61,6 % à 71,8 % (+ 16,6%).
Profil des répondants
Nous constatons à travers le baromètre Handifaction que l’inquiétude des personnes vivant avec un handicap et de leur entourage a été très importante pour les personnes de plus de 46 ans
Nous constatons aussi, une baisse de fréquentation des généralistes pour les répondants de moins de 18 ans.
L’activité des généralistes au niveau des lieux de vie des personnes vivant avec un handicap
En établissement médico-social | A domicile, avec accompagnement médico-social | A domicile, en famille | A domicile, seul | |
Population entière | 8,8% | 19,3% | 18% | 26,5% |
Généraliste cabinet | 2,8% | 19,7% | 22% | 21,1% |
Généraliste à domicile | 0,6% | 24,1% | 22% | 22,2% |
Généraliste en télémédecine | 25% | 16,7% | 18% | 14,6% |
Généraliste maison de proximité | 2% | 20,1% | 20% | 15,6% |
Généraliste en ESMS | 69,6% | 0% | 0% |
Aujourd’hui, 91 % des personnes vivant avec un handicap soignées par des généralistes vivent en milieu ordinaire.
Évolution de l’activité des généralistes en fonction des handicaps
Moteur | Autisme | Maladie invalidante | Polyhandicap | Sensoriel | Psychique | |
Généraliste | +12,7% | +587,1% | +32,9% | +41,5% | -56,7% | - 46% |
On notera selon ce tableau, trois groupes d’évolution de soins pratiqués par les généralistes :
- Une faible évolution de demande pour les handicaps moteurs, les maladies invalidantes et le polyhandicap ;
- Une très forte d’évolution de la demande des personnes vivant avec autisme, très souvent refusée par les autres lieux de soin ;
- Une baisse très sensible de la demande des personnes vivant avec un handicap sensoriel et psychique qui vivent en majorité seules et en milieu ordinaire.
Médecin référent et/ou médecin traitant
- Les refus de soin des généralistes ont doublé depuis le début du confinement ;
- 89 % des personnes vivant avec un handicap qui ont fait l’objet d’un refus chez un généraliste ne possède pas de médecin référent ;
- 22,2 % des personnes vivant avec un handicap ayant un médecin référent ont appelé le 15 ou le 114 en dehors des personnes vivant dans les établissements médico-sociaux ;
- 78 % des personnes qui n’ont pas de médecin référent ont appelé les urgences (15/114) ;
- Une personne vivant avec un handicap sur deux a tenté et/ou réussi à contacter le 15 ou le 114 depuis le début du confinement ;
- 25,9 % ont trouvé satisfaction auprès du 15 ou du 114.
Conclusion
Compte tenu de la pénurie de disponibilité des soignants selon certains types de soin, cette activité est reportée sur les généralistes principalement pour :
- Les soins psychologiques et psychiatriques ;
- Les soins liés au handicap ;
- Les soins pour une nouvelle maladie ;
- Les soins pour une autre partie du corps.
La demande des personnes vivant avec un handicap auprès des généralistes a été démultipliée pendant le confinement. Cette demande porte sur une diversité de soins que les généralistes ont apporté à leur patientèle.
L’abandon des soins reste en baisse, il est passé de 36,4 % à 26,5 %.
Les personnes vivant avec un handicap ayant subi un refus et n’ayant pas trouvé de soignants continuent à rechercher un autre lieu de soin à 68,6% comparé à 31,9% avant le confinement.
La recherche de soignants s’oriente particulièrement vers les généralistes.